NOTRE EXCURSION 2018 : 2ème partie, SANKT BLASIEN

L’après-midi fut consacré à la découverte du joyau de la petite ville de Sankt Blasien, l’imposante église de l’ancien monastère bénédictin , dont la coupole est la plus grande d’Europe au nord des Alpes.

Les premiers moines obéissant à la règle de Saint Benoît seraient venus s’installer dès le IXème siècle dans ce vallon de la Forêt-Noire, au bord de la rivière Alb. En 858, un texte précise que ces moines furent rattachés au monastère de Rheinau, près de Schaffhausen, un couvent qui aurait reçu de Rome le corps de Saint Blaise, évêque martyr d’Arménie du IVème siècle. Suite à ce rattachement, la communauté des bords de l’Alb reçut des reliques de Saint Blaise et prit le nom de ce martyr arménien, qui vivait retiré dans une grotte où, tout en gérant son diocèse, il guérissait les hommes et les animaux qui venaient le consulter.

Comme toutes les institutions religieuses, la communauté de Saint Blaise se vit offrir des terres, contribuant ainsi à créer un domaine de plus en plus vaste. Selon la légende, parmi les premiers donateurs figurerait Reginbert, compagnon d’armes d’Othon 1er, le fondateur en 962 du Saint Empire Romain Germanique

Sur la voûte de l’église, une fresque représente Reginbert remettant à l’évêque de Constance l’acte de donation à la communauté des moines de Sankt Blasien de ses terres situées en Forêt Noire.

Au XIème siècle, la communauté de Sankt-Blasien se sépara du monastère de Rheinau, adopta la règle clunisienne et se plaça sous la protection des ducs de Zähringen. A l’extinction de cette lignée, en 1218, le monastère de Sankt Blasien choisit comme protecteur la puissante famille des Habsbourgs, devenant un haut-lieu spirituel de cette Autriche antérieure, ces terres possédées par les Habsbourg en Alsace, en Suisse, dans le sud de l’Allemagne et le Voralberg.

L’Autriche antérieure, avec au milieu Sankt Blasien.

En 1612, le monastère se vit attribuer le comté de Bonndorf et au milieu du XVIIIème siècle l’Empereur François I (qui régna de 1745 à 1765) éleva l’abbé François II Schächtelin au rang de Fürstabt (prince-abbé) : cette fin du XVIIIème siècle marqua l’apogée du monastère de Sankt Blasien, tant par ses possessions terriennes que par son rayonnement.

L’emblème du domaine foncier du monastère de Sankt Blasien : un cerf avec les lettres S B, en référence aux animaux qui venaient se faire soigner auprès de Saint Blaise, quand il vivait retiré dans sa grotte.

Vue du monastère en 1746 : l’église abbatiale comportait alors deux tours en façade et on est frappé par l’étendue des bâtiments conventuels, reconstruits à partir de 1728, par l’architecte Michael Beer von Bleichten . Il dota l’entrée principale du couvent d’un bel avant-corps baroque.

Mais le 23 juillet 1768, un terrible incendie ravagea le monastère et il fallut tout reconstruire. Le prince-abbé Martin II Gerber, en fonction de 1764 à 1793, confia à l’architecte français Pierre Michel d’Ixnard (1723-1795) la reconstruction à l’identique des bâtiments conventuels. Mais pour l’église, le prince-abbé opta pour une église majestueuse inspirée du Panthéon de Rome, une église à coupole, à l’image de ce qu’édifiait l’architecte Germain Soufflot (1713-1780) à Paris avec le dôme de l’église Sainte-Geneviève (qui devint le Panthéon en 1791). Et comme le prince-abbé voulait faire de Sankt Blasien le lieu de sépulture des dépouilles des Habsbourgs, un caveau fut aménagé dans la nouvelle église. En 1770, les restes des dépouilles de 14 membres de la famille des Habsbourgs qui reposaient à la cathédrale de Bâle et au couvent suisse de Königsfelden furent transférés à Sankt Blasien. Mais la construction de la nouvelle église fut interrompue par le rejet du projet de coupole par l’impératrice Marie-Thérèse. Le chantier fut repris par Nicolas de Pigage (1723-1796), l’architecte français de la Cour de Mannheim et, en 1777, le charpentier local Joseph Müller (1724-1799) posa la charpente de la coupole, recouverte l’année suivante de cuivre. La consécration de la nouvelle église fut célébrée le 21 septembre 1783 par l’évêque de Constance, Maximilian von Rodt.

Le monastère de Sankt Blasien reconstruit après l’incendie de 1768, avec sa monumentale église à coupole.

 Martin Gerbert von Hornau
(1720-1793) , prince-abbé sous le nom de Martin II Gerbert de 1764 à 1793, fut l’artisan de la reconstruction du monastère après l’incendie de 1768. Il décida aussi de fonder une brasserie au lieu dit Rothaus.

En 1806, la réorganisation de l’Allemagne par Napoléon Ier attribua les terres autrichiennes de la Forêt-Noire au Grand-Duc de Bade, Karl-Friederich, qui appliqua une politique de sécularisation et de dissolution des ordres religieux : le monastère fut fermé et en 1807, les 40 moines emmenés par le dernier prince-abbé de Sankt Blasien, Berthold III Rottler, en fonction de 1801 à 1807, rejoignirent l’Autriche. L’empereur François II leur donna d’abord l’abbaye de Spital am Pyhrn (Haute-Autriche) puis, en 1809, le monastère Saint Paul dans la vallée de Lavant, en Carinthie. Les moines emportèrent l’essentiel de leurs archives, ainsi que les dépouilles des Habsbourgs amenés à Sankt Blasien en 1770. Aujourd’hui encore, le monastère Saint Paul de Lavant renferme ces restes des premiers Habsbourgs.

Le dernier prince-abbé de Sankt Blasien, Berthold III, assura, en 1807, le repli de la communauté en Autriche, après la fermeture du monastère de Sankt Blasien par le Grand-Duc de Bade.

Le 5 janvier 1809, l’Empereur François II donna le monastère de Saint Paul au prince-abbé Berthold III (Tableau de J-B Höchle)

Le grand orgue Silbermann, installé dans l’église en 1775, sous le mandat du prince-abbé Martin II Gerbert, fut affecté à l’église Saint-Etienne de Karlsruhe, la capitale du Grand-Duché de Bade. Lors des bombardements de la Seconde Guerre mondiale qui frappèrent Karlsruhe l’orgue fut détruit. D’autres ornements de l’église abbatiale rejoignirent des églises du secteur comme celle de Waldshut. Quant au bâtiment lui-même, le Grand-Duc avait prévu de le détruire et de vendre aux enchères la couverture de cuivre, mais l’église fut sauvée par la double intervention de Friedrich Weinbrenner (1766-1826), l’architecte du Grand-Duc, et surtout de la Grande-Duchesse Stéphanie, née Beauharnais (1789-1860). D’origine française, elle sut convaincre son mari, le Grand-Duc Charles II, de ne pas détruire cette église au dôme remarquable, de surcroît oeuvre d’architectes français, un sauvetage actée en 1813.

L ‘architecte Friedrich Weinbrenner et la Grande-Duchesse Stéphanie sauvèrent l’église de la destruction.

Les bâtiments conventuels furent loués à des industriels et l’ancien monastère de Sankt Blasien accueillit successivement une manufacture d’armes, puis de machines et, en dernier lieu, une filature de coton, entre 1853 et 1933.

Sur cette photo on devine la cheminée et les toits en shed de la filature, installée dans l’aile orientale du monastère.

Le monument élevé à l’industriel Ernst Krafft (1823-1898) qui implanta, en 1853, la filature de coton dans les bâtiments conventuels.

Le 7 février 1874, un incendie, parti de la filature de coton, ravagea à nouveau l’ancien monastère et le dôme de l’église, dont la charpente en bois s’effondra. En 1878, la coupole extérieure fut refaite avec une ossature métallique, mais ce ne fut qu’en 1910 qu’on mit en place une coupole intérieure, décorée de fresques du peintre munichois Walter Georgi (1871-1924). L’église reconstruite et affectée au culte paroissial fut consacrée en 1913 par l’archevêque de Fribourg-en-Brisgau, Thomas Nörber.

Suite à l’incendie de 1874 qui partit de la filature de coton, l’église vit s’effondrer sa coupole.

Après la faillite de l’entreprise textile en 1931, les bâtiments conventuels laissés à l’abandon furent acquis, en 1933, par les Jésuites qui y ouvrirent en 1934 un lycée avec internat de garçons. En 1939 les nazis fermèrent l’établissement qui devint un hôpital militaire. En 1946, les Jésuites rouvrirent l’établissement qui est aujourd’hui un lycée international avec internat pour garçons et filles.

Le 27 mai 1977, le feu se déclara à nouveau, cette fois-ci dans l’aile ouest du monastère, dans l’avant-corps baroque et seule une rapide intervention des pompiers empêcha la propagation de l’incendie.

En vue du 200ème anniversaire de la consécration de l’église, le Land de Bade-Wurtemberg engagea de 1981 à 1983 des travaux de restauration intérieure qui donnent aujourd’hui à cette église un éclat intérieur remarquable. Le plancher du sol fut remplacé par du marbre, et surtout, fait unique dans une église catholique, les chaises sont blanches en harmonie avec les colonnes.

Les colonnes, au chapiteau corinthien, mesurent 18 m de haut

Le diamètre de la rotonde est de 36 mètres .

La fresque de Walter Georgi représente l’Assomption de la Vierge. Dans la coupole détruite en 1874, la fresque représentait la glorification de Benoît, fondateur des bénédictins.

Même le confessionnal est en bois blanc.

Devant la grille de l’ancien choeur des moines, qui sert aujourd’hui pour les messes de semaine.

L’orgue de F-W Schwartz installé en 1913 dans l’ancien choeur a retrouvé des angelots sculptés par Joseph Hörr pour le buffet de l’orgue Silbermann, rescapés des bombardements sur Karlsruhe.

Un crucifix contemporain de 2004, représentant le Christ sur « un arbre de vie », une oeuvre d’Elmar Hillebrand, côtoie des médaillons anciens comme ici Saint Benoît et Sainte Scolastique.

La statue de Saint Blaise guérissant la fillette de l’arête de poisson coincée dans sa gorge : Saint Blaise, l’un des 14 saints auxiliaires, était invoqué pour guérir des maux de gorge.

Des reliques de Saint Blaise.

Le parvis de l’église est orné d’une fontaine aux poissons, érigée en 1988, sur un modèle du sculpteur fribourgeois Walter Schelenz (1903-1987). Elle est surmontée d’une d’une statue d’évêque, datant de 1714, sculptée par Josef Anton Schupp. Elle a toujours été interprétée comme étant une figuration de Saint Blaise, bien qu’on n’y trouve pas ses attributs classiques, les cierges croisés pour guérir des maux de gorge.

Notre guide nous fit ensuite découvrir quelques bâtiments remarquables de l’ensemble conventuel, dont certains furent bâtis par Jean Gaspard Baganato (1696-1757), l’architecte de la Commanderie de Rixheim.

Les bâtiments des services économiques de l’ancienne abbaye, construits par Bagnato, qui accueillent aujourd’hui le presbytère et des salles de réunion.

Le bâtiment construit en 1750 par J-C Bagnato qui servait de moulin à eau et de boulangerie au monastère. Rénové en 1983, il accueille aujourd’hui l’internat des filles du lycée.

Sur cette photo, on retrouve à droite le bâtiment de Baganato dont l’un des murs est orné d’un très beau cadran solaire. Au fond, on devine le porche d’entrée du domaine conventuel, et les bâtiments attenants sont occupés aujourd’hui par un hôtel (à gauche) et la mairie (à droite).

Un des plus beaux cadrans solaires du sud de l’Allemagne.

Le porche d’entrée du côté de l’ensemble conventuel .

On y trouve le profil du prince-abbé Martin II Gerbert et ses armoiries qui voisinent avec celles du monastère de saint Blaise.

Le porche d’entrée du côté ville .

On y trouve le profil du prince-abbé Meinrad Troyer et ses armoiries. Ce prince-abbé fit construire le château de Bürgeln, alors propriété de l’abbaye.

Dès la fin du XIXème siècle, le couple princier du Grand-Duché de Bade prit l’habitude de passer une partie de l’été à Sankt Blasien, transformant ainsi la cité en lieu de cure, en particulier pour traiter les maladies pulmonaires. On y construisit de beaux bâtiments pour les curistes, dont certains furent très célèbres. En juillet 1917, Konrad Adenauer (1876-1967), premier chancelier de la RFA, de 1949 à 1963, y effectua une cure, tout comme l’écrivain russe Maxime Gorki qui séjourna à Sankt Blasien pendant 22 mois, en 1921-22, pour soigner sa tuberculose.

Le Grand-Duc Frédéric et la Grande-Duchesse Louise en cure à Sankt Blasien.

Konrad Adenauer, en cure à Sankt Blasien en juillet 1917 et Maxime Gorki, en cure de 1921 à 1922.

Affiche vantant les atouts de Sankt Blasien.

Une belle maison pour curistes à Sankt Blasien

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